Journal télévisé : « Mehal lance sa bataille » (*)

Pour la première fois depuis 1999, un ministre de la Communication semble détenir le pouvoir sur son secteur ! Signe révélateur et qui ne trompe pas : Nacer Mehal parle de l’ENTV et de son très officiel journal télévisé, jusque-là relevant directement de la présidence de la République.

 
Kamel Amarni-Alger (Le Soir)-Ce n’est certes pas la révolution mais le fait est que le journal télévisé du 20h se distingue par un nouveau ton. L’on y insère quelques reportages critiques, même vis-à-vis des autorités, on y passe moins d’activités folkloriques tout juste destinées à faire les louanges de Bouteflika. Même les partis de l’Alliance présidentielle et les membres du gouvernement ne sont plus assurés d’y avoir systématiquement un créneau. Cela est perceptible depuis la fin du Ramadan. Depuis que Bouteflika a reçu le nouveau ministre de la Communication, Nacer Mehal. Au cours de cette audition, Bouteflika avait clairement signifié son mécontentement quant aux programmes de la télévision en général et du menu du JT en particulier. Il charge alors le nouveau ministre d’y remédier. Ce que Nacer Mehal confirmera de la manière la plus officielle, jeudi dernier, à l’Assemblée populaire nationale. «Le temps où les activités étaient organisées dans le seul but de passer à la télévision est révolu», répondait-il d’emblée, en plénière déjà, à une question orale d’un député relative à la couverture, par la télévision, des activités des partis politiques. «La couverture sera fonction de l’importance de chaque acteur» désormais, elle ne se fera que si l’activité est importante. En marge de la plénière, Nacer Mehal lors d’un point de presse, ira plus loin encore. Il reconnaîtra la médiocrité, particulièrement criante cette année, des programmes proposés par l’ENTV durant le mois de Ramadan et présentera ses excuses à tous les Algériens : «L’ENTV a été largement critiquée pour les programmes qu’elle a diffusés pendant le mois de Ramadan. Et je tiens à présenter officiellement mes excuses à tous les téléspectateurs algériens.» Avant de s’engager : «L’heure est aux réformes. Il est d’une nécessité impérieuse d’insuffler un nouvel élan qualitatif afin d’améliorer les prestations de la télévision en y associant tous les acteurs, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise.» Le ministre dit être chargé d’une mission bien précise dans ce domaine. «Je vous renvoie au communiqué sanctionnant mon audition par le président de la République. Il y est clairement écrit que les médias doivent mettre en évidence aussi bien les réalisations que les aspirations de la société algérienne. Et c’est le président en personne qui l’a dit. Vous avez certainement remarqué l’amélioration du journal télévisé depuis quelques jours. Les médias ne peuvent pas dire que tout est blanc comme ils ne peuvent pas dire que tout est noir non plus. Il faut aussi donner la parole à un autre son de cloche et je crois que c’est cela le travail du journaliste.» Un discours peu habituel chez un ministre de la Communication, s’agissant de la télévision. Nacer Mehal est le premier ministre de la Communication, sous Bouteflika, a être chargé de la gestion de la télévision. En établissant ainsi une tutelle gouvernementale identifiée au média le plus convoité et le plus influent, Bouteflika «désacralise» quelque peu cette forteresse, en même qu’il renforce considérablement son ministre de la Communication. Et faute d’une ouverture politique réelle et complète pour l’opposition notamment, peut-être que cette fenêtre concédée par Bouteflika permettra enfin à nos confrères de l’ENTV de pouvoir exprimer un talent et une compétence avérés mais réprimés par la censure étatique. K. A

(*)-Le Soir d’Algérie, n°6069 du samedi 2 octobre 2010.